En 1942, le lait est devenu rare sur le marché. Les causes sont diverses : faible rendement à cause de la pénurie de fourrage, pertes dues à des problèmes de transport, mais surtout le problème de la fraude. Le prix du lait est réduit, alors que le prix du beurre est incroyablement élevé. Les producteurs conservent donc leur « or blanc » et le vendent en secret, au marché noir.
Le sucre est quasi introuvable. Le café quotidien est un mélange d’orge, de pois et de chicorée torréfié. Rares sont les légumes, à cause de la médiocrité des récoltes et du peu de plants de qualité. A l’exception des pommes, les fruits sont hors de prix. Beaucoup de gens souffrent d’anémie, digèrent et respirent mal, leur cœur bat vite. Ils résistent moins bien au froid, sont plus vite infectés et guérissent moins vite de blessures. Le manque de calcium favorise les caries et affections des articulations. Tuberculose et fausses couches se multiplient.
Quant au pain, en plus du seigle, divers succédanés (férule, betteraves sucrières, légumes séchés, épeautre, orge et paille moulue) sont ajoutés au froment. Dans les villes, le pain n’est plus qu’une croûte grise et dure, recouvrant une pâte visqueuse et grise. On ne peut le vendre frais. Il doit reposer au moins 24 heures, sinon, impossible de le couper. Quand on peut, on essaie de fabriquer soi-même son pain. Les anciens fours sont rallumés. On va de ferme en ferme pour chercher de la marchandise. Dans, les chaumes, on glane à qui mieux-mieux. Une fois le son séparé de la farine, on moud à nouveau le son et on le tamise avant d’épaissir le potage.
Il y a pénurie de viande. La production de fourrage étant très réduit, nourrir les animaux avec des céréales étant interdit, beaucoup de prairies étant labourées, des paysans abattent des porcs en masse. Alors que cet élevage est aisé et que le cochon fournit la majeure partie de l’approvisionnement en viande. Le cheptel bovin diminue de 20 %, les porcs de 50 % et l’aviculture de 80 %. On consomme donc exclusivement de la viande de bœuf, cependant que la préférence du public va à la chair de nourrain, plus riche en graisse. Il est vrai que souvent les boucheries sont vides.
Le savon ne vaut rien. Quand on a plus de huit ans, on a droit à un morceau de savon « fin ». Au début, c’est un petit rectangle vert baptisé « flotteur », vu qu’il surnage. Ensuite, apparaît un savon très dur et gras, à base d’argile. Il ne mousse pas, mais décape la peau. Ces deux types d’ersatz s’usent très vite. Alors on en fabrique avec le contenu des boyaux de porc …
Les poudres à lessiver (Hemco, Imi, Ata, Moussol, Lama, …) sont peu efficaces, contenant en plus des substances dangereuses pour les mains et les textiles.
Nettoyer la maison est aléatoire vu le manque de brosses et de serpillières. Faites de fibres, les brosses cassent vite. Les toiles à laver sont des sacs de jute usés. On ne fait plus le grand nettoyage de printemps. Plus de crépissage, de peinture ou de nouveau papier peint. Les rideaux sont à présent jaunis et lourds de poussière.