En 1847, les miliciens sont tirés au sort. La durée du service militaire est théoriquement de huit ans, dont cinq ans de service actif. Mais dans les faits, elle diffère selon l’arme : de dix-huit mois pour l’infanterie à trois ans pour la cavalerie. De plus, elle est souvent réduite par des congés de longue durée.
A cette époque, le recrutement des miliciens se base encore sur une loi de 1817. Le Parlement vote le contingent annuel (il sera longtemps fixé à 12.000 hommes). Le nombre de jeunes gens en âge de servir et non exemptés représente trois ou quatre fois ce total. C’est pourquoi il a été décidé de recourir à un tirage au sort, pour désigner ceux qui seraient astreints au service militaire.
Les opérations se déroulent comme suit. Le contingent national est réparti entre les provinces, puis, pour chacune d’elles, entre les communes, d’abord proportionnellement à leur population, plus tard en fonction du nombre d’inscrits aux listes de milice. Un tirage a lieu dans chaque commune.
On prépare des billets carrés, numérotés à la fois en chiffres et en lettres, en nombre égal à celui des hommes en âge de servir. On les glisse dans des étuis de bois, de 5 à 6 centimètres de longueur, appelés en wallon « bouh’tês » ou « bouftês ». On enferme ces étuis dans un tambour cylindrique en verre ou grillagé, dont l’axe horizontal se termine par une manivelle qui permet d’en mélanger le contenu.
Appelés un par un, les intéressés en extraient chacun un étui. Doivent effectuer leur service ceux à qui le sort attribue un numéro inférieur ou égal au montant du contingent local. Si, par exemple, celui-ci s’élève à 20, les billets de 1 à 20 sont fatals.
Il arrive que la levée compte des volontaires ou des exemptés. On supprime alors les premiers billets jusqu’à concurrence du nombre de ces cas : s’ils sont six, par exemple, le premier mauvais numéro, « le bidet », devient le numéro 7.
Ce recours au tirage au sort entraîne l’apparition du système du rachat : la loi autorise les malchanceux à acheter les services d’un remplaçant parmi les jeunes gens de la même classe, favorisé par le sort. (En 1835, ceci coûtait 3.000 francs, somme énorme pour l’époque).
Bientôt des agences privées se spécialisent dans la recherche des remplaçants. Elles ont leurs racoleurs, leurs complices même au sein des administrations communales, particulièrement dans les petites localités.
Pour tenter de couper court à de tels abus, une « Association générale pour l’encouragement au service militaire » voit le jour, sous la protection des autorités. Elle recrute des candidats remplaçants parmi les soldats sous les armes et près d’avoir accompli leur terme légal. Mais elle n’obtient que de maigres résultats. Sa seule influence positive est que le montant de la prime de rachat tombe à 1.700 francs.
Finalement, l’Etat lui-même prend en charge les opérations. Une loi de 1847 dispose que les militaires de la plus ancienne classe, n’ayant plus que six mois à passer sous les armes, peuvent contracter pour un nouveau terme comme remplaçant. Ils touchent une prime de 50 francs à la signature et 550 francs à l’expiration de leur service.