Le 23 mai 1996, portrait de Charles PIRLOT
PIRLOT Charles et la phyto: chronique d’une ascension continue.
En région waremmienne, PIRLOT Charles est ce que l’on appelle un «personnage».
Dans un sens plus économique, on le qualifierait plutôt de «self-made man». Parti de presque rien, il est aujourd’hui à la tête de la S.A. « Etablissements Charles Pirlot » où il emploie neuf personnes à plein temps.
Né à Huy, dans la «maison Batta», le petit PIRLOT Charles marine dès sa tendre enfance dans le bain de l’agriculture. Parents fermiers, famille maternelle dans l’industrie sucrière… La totale !
Il use ensuite ses fonds de culottes sur les bancs de l’institut agronomique St-Victor et de l’IPES de Waremme pour accomplir des études qu’il qualifie lui-même de modestes.
Son service militaire acquitté, se pose la douloureuse question de l’avenir. C’est un ami qui lui propose son premier emploi: agent « Gorsac ». À bord d’une 2 CV vert agricole (même teinte que les portes de la ferme), il sillonne la campagne, proposant aux fermiers les différents produits de la gamme, rangés dans un coffre à farine.
Après 6 à 7 mois d’essai, PIRLOT Charles se rend compte qu’il gagne à peine de quoi couvrir ses frais. Il change de cap, travaillant quelques temps au sein d’une petite entreprise de pulvérisation.
UN FAMEUX BAGOUT
Arrive une loi, qui impose la détention d’un numéro d’agréation pour la vente de produits phytos. Afin de poursuivre ces activités, PIRLOT Charles suit des cours en vue d’obtenir le précieux passe-droit. C’est là qu’il rencontre le représentant d’une firme importante dans ce domaine. Ne sachant pas à qui il a à faire, PIRLOT Charles le baratine consciencieusement, tentant de lui refiler quelque denrée… Manoeuvre plutôt bénéfique, puisqu’elle lui vaut une place au sein du groupe « Lapa/Protex ».
En bourse le lundi, il passe le restant de la semaine dans le Hainaut, vendant ses fameux petits sachets de « prémazin » aux drogueries, graineteries et particuliers… Jusqu’au jour où le représentant liégeois tire sa révérence: PIRLOT Charles reprend le secteur.
Plus à l’aise dans sa région, il forme un réseau de négociants et d’entrepreneurs en pulvérisations et étend la clientèle. Rapidement, il réalise que, pour augmenter son chiffre d’affaires, il doit proposer d’autres produits. Un pas qu’il pose en 1972, créant son propre commerce.
DANS LA NICHE DU CHIEN !
Au début, en guise de hangars de stockage, il utilise deux vieilles granges, à Hollogne-sur-Geer. Le local des produits toxiques?… C’est la niche du chien! Acheter, rentrer les marchandises, vendre, livrer, facturer, tout cela sans chauffeur ni comptable.
Peu à peu, PIRLOT Charles engage. La S.A. « Etablissements Charles Pirlot » naît en 1983, du regroupement de plusieurs commerces du secteur. La société continue sa croissance, tant au niveau du chiffre d’affaires que du personnel.
Confrontés à de constants problèmes de stocks, la décision est prise, en 1995, d’établir la société à Waremme, dans le zoning industriel. Résultat: 1.050 m2 de hall de stockage et 240 m2 de bureaux, locaux bâtis en conformité avec les normes européennes de sécurité.
Nous devions relever le défi de la qualité et de la rapidité sans pour autant compromettre la sécurité. Avec cet outil, nous en avons maintenant les moyens, souligne l’un des collaborateurs de PIRLOT Charles.
SIMPLICITÉ
En plus de ses nouvelles installations, la société dispose de plusieurs dépôts, à même de dépanner les clients plus rapidement: à Juprelle, Ohey, Ochain-Clavier et Houtain-le-Val. Aujourd’hui, la S.A. « Etablissements Charles Pirlot » en emploi neuf pour un chiffre d’affaires qui avoisine les 240 millions.
L’entreprise propose à ses clients une gamme de produits, sous près de 1.500 formes et conditionnements différents, tous dédiés à la protection des plantes et végétaux: herbicides, fongicides, insecticides.
Sa clientèle se compose à 70 % de négociants ou grossistes et à 30 % en «cultures»: petites fermes, espaces verts, terrains de golf, piscines,…
Recette du succès? Il n’en fait pas un secret: des collaborateurs qui travaillent comme si c’était leur propre affaire…
N’allez pas croire que le démarcheur à la 2 CV verte soit devenu un rigide manager guindé. Malgré le succès, PIRLOT Charles a su préserver toute la simplicité et la modestie qui le caractérisent.
Sa philosophie? Il vaut mieux boire un petit verre chez soi, qu’une grande tasse dans sa société!
HESBAYE TOUCHEE MAIS INNOVATRICE
Sa montée, PIRLOT Charles l’a effectuée dans sa région, la Hesbaye. Rien d’étonnant : c’est le pays agricole par excellence. Quel regard porte-t-il sur son évolution? C’est la question que nous lui avons posée.
La Hesbaye, c’est le berceau de l’agriculture. Froment, betterave, escourgeon, lin, pois,… les cultures occupent la majeure partie du sol. Je garde confiance en l’agriculture, professe PIRLOT Charles. Pour l’instant, concède-t-il, elle se trouve dans le fond du panier mais j’ai bon espoir que la situation s’améliore. Cela va déjà mieux qu’il y a deux ou trois ans.
Un constat s’impose, pourtant: l’étendue des cultures par exploitation augmente. Avant, on vivait sur 40 à 80 ha; aujourd’hui, 120 ha, c’est un minimum. De nombreuses fermes disparaissent. On en compte chaque année plus ou moins 5 %. La plupart sont reprises par d’autres agriculteurs, qui en profitent pour s’étendre.
ROBERTI Pierre, du Centre d’études des techniques agricoles (CETA), client et ami de PIRLOT Charles, acquiesce. Deux types d’exploitations coexistent actuellement en Hesbaye, dit-il: les fermes de 500 ha et plus, qui pratiquent la culture extensive, au niveau des surfaces et les exploitations plus petites qui lui préfèrent la culture intensive, davantage orientée vers la qualité, supérieures en valeur ajoutée.
DIVERSIFICATION
Selon PIRLOT Charles, la chute des prix est une autre donnée du problème. Les fermiers ont été contraints à se serrer la ceinture. Pour le froment, par exemple, on est passé de 10 à 6 F le kilo. À raison de 8.000 kg de grain à l’hectare, cela fait une perte sèche de 32.000 F par hectare! Résultat: on diversifie pour compenser. On se lance dans la culture des légumes.
Une tendance que confirme également ROBERTI Pierre: Les choses évoluent. Les fermiers ont tendance à avoir une deuxième corde à leur arc, voire encore à s’investir dans des activités industrielles ou commerciales.
Bien plus que le secteur, ce sont les mentalités qui évoluent. On n’agit plus comme par le passé. Les gens bougent. Ils regardent aussi vers ce qui se fait ailleurs. Ils adoptent une approche différente des habitudes hesbignonnes. Sauf celles du Nord du pays, à cause de la langue, constate Pierre Roberti. Ce qui est regrettable car il y a là une véritable source potentielle de renouvellement.
INITIATIVES À TOUT VA
Quoi qu’il en soit, on assiste à une éclosion d’initiatives dans tous les domaines. Des cultures nouvelles, comme celle de la chicorée dont on extrait le fructose et l’inuline pour en faire des additifs pour yaourts, margarine, chocolats,… Des projets plus ambitieux également, encore en cours de recherche à l’heure actuelle, concernant des plantes aromatiques et médicinales.
Parfois même, certains exploitants se regroupent pour former une coopérative. C’est le cas de la coopérative de « L’Yerne », qui réunit quatre agriculteurs, dont ROBERTI Pierre. La société s’est spécialisée dans le conditionnement de légumes. De 300 tonnes livrées au début, ils sont rapidement passés à plus de 7.000 tonnes et approvisionnent aujourd’hui la majeure partie des grandes surfaces du pays et certaines grandes chaînes de supermarchés en France.
Il y a encore des perspectives d’avenir dans le domaine, insiste ROBERTI Pierre. Les sols hesbignons sont d’une qualité exceptionnelle, et ils sont reconnus comme tels bien au-delà des limites de la région.
Rien de surprenant, donc, à ce que des industriels, qu’ils soient des Flandres ou d’ailleurs, s’installent pour y faire de l’agro-alimentaire. À cet égard, l’entreprise « Hesbaye Frost » est un éclatant exemple.